Le parc automobile électrique
français est en progression constante (1,08% en 2016 selon les
chiffres du CCFA, Comité des constructeurs français d’automobiles)
même s'il reste très faible. Les Français étant connus pour leur
forte capacité à s’approprier une nouveauté (pour rappel :
l'iPhone a exactement 10 ans et un de ses premiers marchés actuels
est la France), il est difficile de comprendre pourquoi le véhicule
électrique ne connaît pas le même engouement. Une des réticences
souvent avancées est qu'il n'y aurait pas suffisamment d'énergie
pour recharger un parc automobile tout électrifié. Regardons si
cela est justifié ou si c'est une crainte irrationnelle.
La peur de la « borne sèche »
Il est très souvent évoqué que, si
on devait convertir la totalité du parc automobile français à
l'électrique :
- avec le réseau actuel, les bornes de recharges ne pourraient pas toutes être alimentées en même moment,
- et qu'il faudrait recouvrir la France de deux fois plus de centrales nucléaires, pour correctement accompagner le passage vers une mobilité électrique .
Si c'est avéré, c'est un frein fort
pour passer à une voiture électrique ou rechargeable et cela
mettrait fortement à mal l'ambition d'une transition énergétique,
propre, vertueuse et orientée vers les énergies renouvelables.
Faisons un petit détour par les
chiffres pour estimer la réalité de la recharge électrique :
Si on souhaite migrer l’ensemble des voitures particulières actuelles (soit environ 32 millions de véhicules) vers l’électrique, cela représenterait une demande électrique de 75 TWh.
Avec une production électrique
française annuelle d’environ 550Twh, convertir l'intégralité du
parc automobile français à l’électrique représente donc une
hausse de seulement 15% de la demande électrique
globale.
En synthèse :
En théorie donc, la transformation
complète de notre parc automobile à l’électrique ne va donc pas
mettre à terre notre parc nucléaire et ne nécessite pas la
construction de nouvelle centrale électrique.
Par contre, si on regarde ce qui se
passe sur une journée, avec un parc de seulement 2 millions de
véhicules à recharger, la puissance nécessaire à fournir
(chiffres d’ENEDIS) correspondrait à
- avec une recharge lente 10% de la capacité électrique totale
- avec une recharge rapide 66% de la capacité électrique totale
Cela signifie donc que le rechargement
simultané d’un parc automobile électrique plus conséquent,
pourrait en théorie impacter fortement le réseau électrique
actuel, quel que soit le mode de recharge choisi.
Le réseau intelligent, clé de
voûte pour la mobilité électrique
Le véritable enjeu à venir va donc
être de savoir comment gérer l’appel de puissance demandé en
cours de journée, avec des bornes de recharges rapides.
- l’infrastructure de recharge
- le moment où on recharge (en journée ou la nuit)
Concernant l’accès aux bornes, un déploiement d’ici 2020-2025 est planifié à l’échelle nationale pour multiplier les possibilités de recharges, avec une priorité à la recharge lente. En pratique cela correspond à :
- plusieurs milliers de bornes de recharges dans l'espace
publique ou via le réseau
d’éclairage publique
- l’obligation de
prévoir des bornes de recharges pour les immeubles neufs et un
rajout pour les immeubles collectifs
- le déploiement de
plusieurs millions de bornes de charges lentes pour la recharge
domicile travail
Les solutions pour la période de recharge
La priorité première pour les énergéticiens est de pouvoir décaler la recharge des périodes fortes aux périodes creuses. Ceci implique un changement de la part du consommateur qui va devoir prendre l'habitude de recharger à domicile ou sur son lieu de travail au lieu d'aller à l'infrastructure de recharge la plus proche de son domicile pour faire le plein (d'électrons) en 20 minutes.
Pour accompagner l'usager dans ce changement de comportement, il va falloir l'informer et lui transmettre une information concernant sa possibilité de recharge. Ceci va pouvoir se faire via le développement de réseaux électriques intelligents ( ou « smart grids»), qui vont permettre aussi de piloter la recharge.
Une batterie de véhicules électriques a deux avantages :
- elle peut fonctionner dans les deux sens, ce
qui signifie qu’elle peut redonner de l’énergie au réseau.
C'est ce qu'on appelle le V2G (Véhicule to GRID)
- sa recharge peut être programmée, idéalement en période creuse
Les smart grids vont tirer partie de ces caractéristiques
et permettre ainsi le lissage des appels de puissance, soit en
récupérant l'énergie des batteries connectés au réseau pour la
redistribuer soit en décalant la recharge à une période plus
propice pour l’équilibre électrique du réseau.
Dans le cas où les smart grids bloquent la recharge
complète de la batterie, cela ne devrait pas poser de problème en
pratique au quotidien pour l'usager, car la distance moyenne
quotidienne parcourue par une voiture est d'environ 35 kms en France,
selon l'ADEME. Avec une ZOE 2ème génération de Renault, une
batterie chargée à moitié permet de faire environ 120 km, ce qui
est donc suffisant au quotidien.
De plus, du fait de la loi sur la transition
énergétique la production électrique doit intégrer de plus en
plus d’énergies renouvelables (notamment éolien et solaire), ce
qui peut impliquer la gestion d'une production intermittente du fait
de l’intégration
de ces énergies renouvelables au réseau actuel. Pour pallier à ce
problème, la solution d'une infrastructure de stockage via des
batteries stationnaires est nécessaire. Et c'est là, la deuxième
priorité des producteurs d’énergie, à savoir utiliser les smart
grids pour piloter cette capacité de stockage et éviter ainsi une
chute de réseau électrique en cas d'appel de puissance fort.La France et l'Europe sont en tête pour la recherche et le développement de ces super réseaux intelligents, notamment via EDF et ENEDIS. Tout ceci inaugure donc une vision plutôt positive pour accompagner le déploiement d’une importante flotte de véhicules électriques.
Conclusion :
Avant qu'il y ait 32 millions de
véhicules particuliers tout électrique en circulation, il va se
donc passer encore quelques années. Ce qui laisse aussi du temps aux
énergéticiens pour préparer cette transition vers une automobile
plus propre.
Pour passer d’une gestion
d’une production centralisée à une production décentralisée (en
raison des renouvelables et de l’autoconsommation grandissante), il
va falloir que l’équilibre du réseau électrique se fasse non
plus par rapport à l’offre mais par rapport à la demande. La mise
en place de réseaux intelligents est donc une solution crédible
face à ce changement.
Mais cela ne pourra réellement fonctionner que si l'usage et le rapport à la mobilité électrique changent. L’usager doit devenir acteur de sa consommation, c'est-à-dire un consomm'acteur !
La limite de la mobilité électrique
ce n'est donc pas notre parc nucléaire actuel mais bien nos propres
comportements et nos craintes, souvent infondées.
(Le détail pour obtenir les chiffres
indiqués peuvent se retrouver sur différents sites: ENEDIS,
SMART-GRID, connaissancedesenergies et nos confrères ObjectifTerre,
Ecosceptique)